Vélo Féminin Online : Bonjour Maryline. Tu as effectué un hiver admirable : Championne de France de cyclo-cross, vice Championne du Monde, sur le podium de la Coupe du Monde, et je suis obligé d'en passer. Quel souvenir cela te laisse-t-il deux mois après ? Comment analyses-tu ces performances et ta saison hivernale ?
Maryline Salvetat : Ca partait mal cet hiver: je venais de me séparer de mon entraîneur et j'étais un peu paumée. Je ne me voyais pas m'en sortir entre la finition de ma thèse, ma formation de médecin du sport, des déboires sentimentaux et des interrogations. Et pourtant, le souvenir de cette saison hivernale est un sentiment de bien être physique et mental, une sorte de rêve où tout ce que je souhaitais se réalisait. Je n'avais jamais autant pris du plaisir à m'entraîner alors que, paradoxalement, je m'entraînais plus dur et plus souvent. Et sous la pluie, car l'hiver fut très arrosé et boueux !! J'ai attaqué la saison affûtée comme jamais, et dès la première Coupe du Monde à Turin, j'ai réalisé que j'étais pas mal, en terminant 5ème !!! Le long retour en condition de Laurence m'a permis de prendre un ascendant psychologique et une confiance de béton ! Enfin, le fait d'avoir mis entre parenthèses la finition de ma thèse et mon activité professionnelle a grandement contribué à une meilleure récupération physique. Bref, une saison qui a un goût de " reviens-y " !
VFO : Forte de ce bilan, comment envisages-tu la prochaine saison de cyclo-cross ? Quels seront tes objectifs ?
MS : Les objectifs seront les mêmes pour l'hiver prochain : Championnat du Monde, d'Europe et de France, Coupe du Monde et Challenge National, avec si possible, une victoire à une manche de CDM car j'ai fait 4 podiums sur 6 avec 3 places de 2 derrière Kupfernagel, et j'en ai un peu marre !!! Le minimum serait de refaire la même saison que 2003-2004 !!!! Le maillot Arc en ciel m'attire énormément mais avec des mondiaux en Allemagne chez miss Kupfernagel, ce sera dur !!! Mais l'enjeu est de taille…
VFO : Avant cela, tu auras disputé une longue saison de VTT, puisque c'est ce que tu as prévu cette année en intégrant le Team Lapierre. Quels sont tes objectifs sur cette saison VTT ? Une sélection olympique est-elle dans tes cordes et dans tes ambitions ?
MS : Mon intégration au sein du Team Lapierre est une logique dans le sens que Lapierre m'aide sur la route et en cyclo-cross depuis 2 ans. J'ai débuté le VTT l'an dernier et j'ai un bagage technique insuffisant par rapport aux meilleures. Mes objectifs cette année seront le Championnat de France , la découverte des Coupes du Monde en mai (23 Mai : Madrid en Espagne ; 30 mai : Houffalize en Belgique) et une amélioration en descente !!! On peut rêver des Jeux Olympique, mais je pense ne pas avoir suffisamment d'expérience. Mais on ne sait jamais !! Si je progresse autant en technique VTT qu'en cyclo-cross cet hiver, je pourrai y croire !!
VFO : Si je compte bien, tu as déjà glané cinq titres de Championne de France depuis tes débuts dans le vélo ? Et ces différents titres ont été acquis dans les trois disciplines du cyclisme traditionnel (piste, route et cyclo-cross) ; c'est un signe évident de ta polyvalence, n'est ce pas ? Espères-tu ajouter un autre titre dans une autre discipline en visant le Championnat de France de VTT ?
MS : Tu oublies quelques titres : j'en ai 3 en poursuite junior (90, 91 et 92), 2 sur route junior (91,92) et 2 en cyclo-cross (2002,2004) !! Mon objectif : podium et titre en VTT dans les deux années à venir !! En cyclo-cross, j'ai commencé en 2000 où j'ai fini 5e du Championnat de France, puis en 2001, j'ai pris la 2e place, et j'ai gagné en 2002. En VTT, j'ai commencé en 2003 où j'ai fini 5e du Championnat de France… Tu vois le reste !… Mais je m'arrêterai au VTT, t'en fais pas, je n'essaierai pas le BMX !!
VFO : La saison VTT a en fait commencé pour toi le 18 avril, avec la première manche de la Coupe de France de VTT à Guéret. Comment cela s'est-il passé ?
MS : La Coupe de France à Guéret venait trop tôt dans la saison pour moi, car avec seulement quatre semaines d'entraînement, tu peux t'en tirer sur la route mais pas en VTT. J'ai pris un bon départ avec Hansen, Enaux, Leboucher et Gentieu. J'ai " pété " la première et fait le premier tour à la 5e place. Au 2ème tour, j'ai un peu trop cru en moi car j'avais Leboucher à 100 mètres devant. Au 3ème et dernier tour, j'étais cramée et perds 2 places pour finir 7ème, complètement nase !!!
VFO : Comment as-tu gérer ton intersaison entre la fin des cyclo-cross et ta reprise sur route et en VTT, puisque l'on t'a vu également, en bonne forme d'ailleurs, sur la manche de Coupe de France route au Mont Pujols ?
MS : J'ai été contrainte à trois semaines d'arrêt total de sport suite à mon superbe gadin à la dernière manche de Coupe du Monde de cyclo-cross le 15 février en Hollande. Puis j'ai attaqué la rééducation et repris le vélo il y a un mois !! C'est très rare que je stoppe mon activité physique mais là je n'avais pas le choix !!
J'ai profité de l'intersaison pour dormir ! Et goûter des spécialités dans des bons restos (et vlan, 3 kg de repris sur les fesses !!!) et recommencer mon travail de médecin remplaçante car cela me manquait.
VFO : Tu as 29 ans désormais. Combien d'années espères-tu encore courir ? Quelles sont tes intentions d'ici une éventuelle fin de carrière ?
MS : Je ne me fixe pas un nombre d'années ou un maillot de Championne du Monde d'ici ma fin de carrière. Pour moi, la motivation sera mon moteur. Tant que je prends du plaisir, je continuerai, mais pas au delà de 35 ans. J'ai un désir de maternité qui pointe son nez !!
VFO : On parle de la fin de carrière. Revenons au début. Comment es-tu venue à pratiquer le cyclisme en compétition ?
MS : J'ai pratiqué pendant 6 ans la natation en compétition, puis le volley et 4 ans d'athlétisme. Mon frère pédalait à l'école de cyclisme et je l'ai suivi. Les résultats ont permis mon adhésion à ce sport.
VFO : Beaucoup de monde le sait maintenant : tu es médecin généraliste, remplaçant. Tu as donc réussi à mener de front, pendant de longues années, de brillantes études médicales et une admirable pratique cycliste de haut niveau. Comment cela s'est-il passé ? On imagine que ça n'a pas été sans difficultés ?
MS : Jusqu'au bac, tout était facile. J'étais exemptée de cours de latin un après midi par semaine pour m'entraîner en terminale, c'était mon seul avantage. J'ai quand même eu 19/20 au bac en latin !!! Je savais que j'aurai le bac avec mention. A partir de la fac, ce n'était plus pareil : tu as le concours de 1ere année de médecine, tu es 700 dans un amphi et tu sais que seuls 70 d'entre nous seront les " élus ". L'ambiance était guindée ! Et j'ai arrêté le vélo en 1996 car je n'arrivais plus à tout concilier : cours, stages, TD et TP… Mais j'ai vite repris car je " pétais une plomb dans la tête ". Alors j'ai mis entre parenthèses ma carrière cycliste et je me contentais d'un niveau national. La préférence allait aux études car je savais que je vivrais de ma profession plus tard, car, vu l'argent que tu gagnes en vélo, faut pas rêver !!!
VFO : Le cyclisme féminin est pourtant en pleine mutation semble-t-il. De plus en plus de gens s'y intéressent. Toi qui pratiques ce sport depuis plus de 10 ans, comment vois-tu son évolution ? Quelle vision as-tu de ton sport ?
MS : J'ai commencé en 1988 en cadette car j'avais vu les filles en prologue du Tour de France des hommes !!! Depuis, l'évolution s'est faite mais pas aussi vite que ce que j'espérais : pas de professionnalisation en France, épreuves rares, moyens financiers réduits… Je ne suis pas optimiste pour le développement du cyclisme féminin en France mais j'espère avoir tort !! J'aime toujours ce sport car vecteur d'un esprit de battant et de surpassement de soi. Et surtout, j'ai rencontré mon futur mari et là, je dis : " merci le vélo !! "

Propos recueillis par Christophe Podevin, avril 2004
Merci à Maryline Salvetat pour sa participation.